Francophones de tous les pays, unissons-nous!

A l’occasion de la journée internationale de la francophonie, j’ai publié cette tribune sur Mediapart.

 

Le monde voit de plus en plus s’affirmer des espaces géoculturels autour de langues centrales, devenues désormais outils d’influence positive et en phase avec le plurilinguisme que menace parfois le tout-globish. Ainsi les arabophones, principalement par de grand médias de télévision, les lusophones par une démarche académique d’harmonisation autour du brésilien,  les hispanophones via une stratégie économique à laquelle s’associe pleinement l’Espagne … tous ont développé une stratégie singulière consolidant tout à la fois un sentiment d’appartenance et une communauté d’intérêts.

Les francophones tardent encore sur ce chemin, qui pourrait voir s’unir un premier cercle de pays volontaires autour d’un projet refondé et concret, qui tourne le dos au vieux monde qui faisait rimer francophonie avec colonies.

Pourquoi, par exemple, ne pas envisager la convergence des contenus éducatifs, allant jusqu’à des co-diplomations, ou encore le lancement d’une véritable revue scientifique francophone internationale digne de ce nom ou bien des accords pour promouvoir normes et brevets dans notre langue plutôt qu’en anglais ?

Ne pouvons-nous pas construire ensemble une grande vision industrielle (par exemple autour des énergies renouvelables) adossée à des formations d’ingénieurs, techniques ou professionnelles en français ?

Enfin, aurons-nous l’audace de faciliter la mobilité des personnes en instaurant un visa francophone pour, dans un premier temps, les artistes, les scientifiques, les chercheurs, les chefs d’entreprises, voire un Erasmus pour les étudiants de langue française du monde entier ?

Quelle meilleure réponse aux replis identitaires à l’œuvre que cette alliance de cultures différentes autour d’une même langue ? Quel plus beau projet, en effet, que cette rencontre des noirs et des blancs, des maghrébins et des latins, des américains et des européens belges, suisses, etc. ? Nous avons d’ailleurs tout autant, voire plus, de liens communs avec eux qu’avec d’autres pays, y compris européens.

Au-delà même d’une nouvelle ambition internationale partagée, c’est aussi pour nous, Français, un enjeu national intérieur que de relever ce défi francophone. Imaginons un instant demain, le bac français en poche, ayant appris notre langue non plus seulement à travers Rabelais, Balzac, Camus, mais aussi grâce à Condé, Hampaté Ba, Senghor, Khadra, Maalouf, Djebar…

Quelle fierté, alors, pour les enfants héritiers de l’immigration post-coloniale de voir leur pays, la France, intégrer au patrimoine national une part d’eux-mêmes, une part de leurs identités singulières ! Et quel meilleur moyen pour déconstruire ces préjugés qui persistent et nous pourrissent, chez ceux  qui font encore croire que notre nation est faite d’un seul bloc occidental, chrétien et blanc.

Alors on cessera d’aimer ou de détester la langue française pour ce qu’elle n’est pas : « la plus belle du monde » (quelle insulte à toute les autres), « la langue des droits de l’homme » (comme si ceux-ci ne s’écrivaient pas aussi en arabe, chinois et persan). Nous l’aimerons pour ce qu’elle est : un indestructible trait d’union à grande échelle humaine. Voilà un défi digne d’une ambition… présidentielle.


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