Bilan du déplacement en Afrique du Nord

J’étais en déplacement dans les trois pays d’Afrique du nord entre le 3 et le 9 avril.

La communauté française d’Afrique du nord représente près de 120 000 Français inscrits dans l’ensemble des consulats de France en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Diverse, dynamique et engagée elle est une source précieuse de relations amicales et fécondes avec la France tant il est vrai que les Français, immigrés ou Bi-nationaux, retraités ou en couples mixtes, entrepreneurs ou salariés d’Ong, fonctionnaires ou employés locaux … sont impliqués dans la vie sociale et culturelle de chaque pays.  

Cette année, j’ai voulu voir la Tunisie, le Maroc et l’Algérie à travers un angle neuf, que j’avais déjà évoqué en 2011 et 2012 :  porosité des frontières, conditions de vie des migrants et réfugiés, racisme, enjeux environnementaux, discriminations envers les minorités sexuelles… 

Retrouvez en quelques points les principales étapes de ce déplacement auquel ont notamment contribué les consuls généraux de France et les Ambassadeurs de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Qu’ils en soient remerciés, ainsi que les conseillers consulaires et toutes celles et ceux qui ont participé à la réussite de cette semaine.

 

A la rencontre de la communauté française du Maghreb

J’ai organisé à Alger, Tunis, Casablanca et Rabat des rencontres conviviales visant à présenter mon bilan en cette fin de mandat. De nombreuses avancées ont été saluées par les Français, notamment la possibilité pour les enfants recueillis par kafala judiciaire d’obtenir la nationalité française au bout de trois ans, la suspension temporaire des droits de rétroactivité de la CFE, le moratoire sur la fermeture de la voie professionnelle au Maroc, le renouvellement des détachements à l’étranger pour la rentrée 2017… et aussi la reconnaissance, surtout et enfin, d’une communauté, d’une diaspora française présente sur les 5 continents et qui avait été trop longtemps ignorée jusque là.

 

algerRéunion publique à Alger, 03/04/2017

Bien sûr, des difficultés demeurent, parfois différentes selon les pays : les certificats de propriété et les modalités d’acquisition, de transmission ou de vente des biens pour les étrangers et l’obtention des titres de séjour que certains attendent encore, parfois après 3 ans de présence, les contrats de travail étrangers… Pour toutes ces questions, des actions ont  été engagées, certaines sont en voie de règlement, et j’espère que toutes trouveront enfin les solutions même dans la prochaine législature.

 

tunisRéunion publique à Tunis, 06/04/2017

 

Je veillerai quoi qu’il en soit à les transmettre à mon/ma successeur(e) afin d’assurer  une continuité dans la défense des intérêts de la communauté française de la neuvième circonscription.

 

rabat

 

                                                                casaRéunion publique à Rabat, 08/04/2017                                                                                Réunion publique à Casablanca, 07/04/2017

 

À l’occasion de ces réunions publiques, les Français m’ont également confié leurs inquiétudes concernant les incidences négatives de la suppression du vote électronique sur la participation aux élections législatives des Français de l’étranger. J’ai ainsi, sur proposition de Mme El Anbassi, conseillère consulaire à Marrakech,  suggéré au ministère des affaires étrangères l’ouverture d’un guichet spécifique dédié aux procurations pour les élections législatives dans les lieux de vote, le jour des élections présidentielles.
 Les sociétés civiles s’organisent pour la défense des droits des minorités

Des migrations d’une nouvelle sorte. Longtemps considérés comme des espaces de transition avant l’arrivée en Europe, les pays du Maghreb sont désormais souvent des terre d’immigration et d’installation pour des migrants subsahariens. Les sociétés maghrébines sont traversées  des débats profonds, que nous connaissons aussi chez nous, sur les conditions d’accueil de ces migrants « irréguliers », même si ce n’est pas avec la même intensité. À cette heure, ce sont surtout des associations qui agissent, les gouvernements restant souvent dans une approche de police et de reconduite (Algérie), de diversification des statuts de migrants (Maroc) ou d’amendes en cas de présence irrégulière prolongée sur le territoire (Tunisie). Parfois victimes de racisme anti-noir, les migrants subsahariens s’organisent avec des membres de la société civile du pays pour faire respecter leurs droits.

En Algérie, j’ai rencontré des acteurs d’ONG travaillant sur ce sujet. Ils sont optimistes quant à l’évolution du traitement des migrants par la société algérienne. Ils ont désormais accès à l’école mais également aux soins. La lutte contre le racisme reste néanmoins un sujet d’actualité, notamment lors des différentes arrestations de migrants dans les grandes villes algériennes en vue de reconduites  la frontière, au Mali plus souvent, même quand ce n’est pas le pays d’origine des personnes.

En Tunisie, l’accord de coopération sur les migrations entre l’Allemagne et la Tunisie fait débat au sein de la société civile. Les différentes organisations rencontrées (EUROMED Tunisie, Tunisie Terre d’Asile…) plaident pour le respect des droits fondamentaux des migrants dans le cadre de cet accord et en particulier pour que la Tunisie ne procède pas aux reconduites  la frontières des nationalités tierces ou encore des apatrides. L’association des Étudiants et Stagiaires Africains en Tunisie milite également pour la facilitation de l’obtention du visa étudiant en Tunisie et l’Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD) défend les travailleuses domestiques issues de l’immigration subsaharienne en Tunisie.

Quant aux minorités sexuelles, les Tunisiens que j’ai rencontrés militent courageusement pour l’abrogation de l’article 230 du Code pénal tunisien condamnant « les pratiques homosexuelles ». Là aussi, des mutations profondes sont soulignées par les acteurs de la société civile : l’orientation sexuelle est de moins en moins tabou, on en débat sur les chaînes de télévision publiques et également dans le milieu politique. Dans les débats publics,  la sémantique évolue car l’on parle d’homosexuels et les insultes proférées à leur égard sont plus rares.

 euromed tunisieRéunion avec des acteurs de la société civile tunisienne dans les locaux d’Euromed Tunisie, 06/04/2017

 

Les droits des femmes au cœur du projet de loi contre les violences faites aux femmes en Tunisie

En Tunisie, j’ai également rencontré des représentants d’associations féministes telle que l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD). Les associations féministes plaident pour l’adoption et l’amélioration du projet de loi contre les violences faites aux femmes, actuellement en discussion à l’Assemblée ainsi que pour l’acceptation des mariages « mixtes » (c’est-à-dire avec des non musulmans).
Le durcissement des sanctions pénales pour cause de violences faites aux femmes,  la criminalisation du viol sans possibilité donnée au violeur d’échapper à la justice en cas de mariage avec sa victime,  … autant de questions au cœur du débat public tunisien.

On le voit, la Tunisie reste vive, et prolonge par le droit et la loi ses débats révolutionnaires de 2010…

 

Des associations socio-culturelles pour l’épanouissement de l’enfant

J’ai rencontré l’association SOS Bab El Oued, des jeunes ainsi que son directeur. Cette association socio-culturelle organise différentes activités parascolaires (musique, théâtre, danse) ainsi que du soutien scolaire et des cours de langue pour les enfants du quartier populaire de Bab El Oued. Active depuis les années 1990, elle n’a cessé de brandir haut le drapeau de l’esprit, des arts, de la musique, des lettres et des sciences pour tous et n’a jamais renoncé à une certaine idée de la société démocratique, tolérante et rétive à l’obscurantisme. Ces jeunes gens ont été formés par l’association comme animateurs et formeront à leur tour d’autres animateurs. Que leur route soit encore longue.

IMG_2857Rencontre avec l’association SOS Bab El Oued

 

La francophonie revisitée

 

barzakhRencontre avec Sofiane Hadjadj, éditeur, Barzakh Editions

J’ai eu le plaisir de rencontrer à Alger, Sofiane Hadjadj, éditeur algérien des Éditions Barzakh. Fondée en 2000,  cette maison d’édition algérienne édite des ouvrages en arabe et en français. Son catalogue compte aujourd’hui près de 150 titres, dont le plus connu Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud traduit en 34 langues dans le monde. Je fais mien son message pour une stratégie éditoriale francophone respectueuse non seulement des identités mais aussi des entreprises  francophones qui sont trop souvent considérées comme un simple vivier par des maisons d’édition française qui viennent parfois y faire leur marché, sans grande considération finalement pour des auteurs qui acceptent de signer des contrats de cession définitive de leurs droits, dans un rapport du fort au faible. C’est d’autant plus difficile pour les auteurs de résister à la signature de ces contrats que le réseau des libraires et les moyens de diffusion sont encore très fragiles en Afrique en général.   Nous avons partagé notre vision d’une francophonie renouvelée, où la construction d’un même sentiment d’appartenance ne peut se fonder que sur l’égalité des cultures et des patrimoines entre sociétés francophones, loin des récits gallo-centrés qui nuisent tant à la modernité de la francophonie.

J’ai également eu l’occasion de m’entretenir au sujet de la francophonie avec l’Ambassadeur Olivier Poivre d’Arvor en Tunisie. Tunis accueillera en effet le Sommet de la francophonie en 2020, aux lendemains des présidentielles tunisiennes. Cela représente un défi de taille pour la Tunisie mais également une occasion de proposer les rouages d’une francophonie ambitieuse, tournée vers l’avenir et  laquelle, je le sais, il consacrera beaucoup.


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