Confidences de parlementaire

QUELLE GÉNÉRALITÉ ENTENDUE SUR « LES POLITIQUES » VOUS MET LE PLUS EN COLÈRE ?
Parmi toutes les généralités souvent entendues, la seule qui soit vraiment dangereuse pour la démocratie reste hélas : « Tous pourris ». De deux choses l’une : soit c’est faux et, comme toute rumeur, elle gangrène les esprits ; soit c’est vrai, et alors nous sommes foutus… jusqu’au recommencement.

DANS QUELLES CIRCONSTANCES AVEZ-VOUS EU ENVIE DE FAIRE DE LA POLITIQUE ?
Mon engagement militant concret date de novembre 1986, contre projet de loi Devaquet,qui instaurait la sélection financière à l’entrée de l’université.

DANS QUELLES CIRCONSTANCES VOUS ÊTES-VOUS DIT QUE VOUS ÉTIEZ FAIT POUR LA POLITIQUE ?
Aussi loin que je me souvienne, la politique – autant que l’Histoire – m’a toujours fasciné. Les discussions familiales, qui furent les mélodies de mon enfance, y sont sans doute pour beaucoup.

QUELLE EST LA MOTIVATION LA PLUS COURANTE SELON VOUS DE L’ENTRÉE EN POLITIQUE : « ÊTRE QUELQU’UN » OU « FAIRE QUELQUE CHOSE » ?
Etre quelqu’un, nous le sommes tous. En revanche, faire quelque chose n’est pas le cas de tout le monde.

POUR QUELLES RAISONS, SELON VOUS, AVEZ-VOUS ÉTÉ ÉLU ? (VOTRE ADVERSAIRE ÉTAIT-IL PARTICULIÈREMENT MAUVAIS ?)
Parce que j’ai fait une bonne campagne de terrain, parce que j’avais une bonne équipe et enfin grâce au thème … … de campagne que j’ai porté et qui reste d’ailleurs le fil conducteur de mon mandat : les Français du Maghreb et d’Afrique sont des Français à part entière, et non des Français à part.

QU’EST-CE QUE VOUS VOUS ÊTES JURÉ DE NE JAMAIS FAIRE AU COURS DE CE MANDAT ?
J’essaie de ne pas changer et de rester moi-même.

SUR QUEL SUJET CONCRET VOULEZ-VOUS ÊTRE JUGÉ PAR VOS ÉLECTEURS ?
Je serai satisfait si l’opinion commune était : « Il n’a pas tout réussi, mais il a changé des choses parce qu’il a toujours essayé. »

DANS TOUT CE QUE VOTRE MANDAT VOUS CONDUIT À FAIRE, QU’EST-CE QUI VOUS DÉPLAÎT ?
Le manque de temps.

QUEL AUTRE POSTE AIMERIEZ-VOUS OCCUPER ? (LANGUE DE BOIS INTERDITE)
Président de la Perse, reconstituée et démocratique, ou secrétaire général de l’Onu ou président de la République Française ou prophète universel de la Raison et de l’Amour.

QUELLE A ÉTÉ LA PLUS GROSSE ERREUR DE VOTRE PARCOURS POLITIQUE ?
J’avais confusément senti le 21 avril 2002. À l’époque, je ne m’en étais ouvert qu’à Jean-Luc Mélenchon. Par peur de faire du tort à la campagne de Lionel Jospin, je n’ai pas alerté au-delà ni publiquement. Je le regrette encore.

QUI EST VOTRE MODÈLE EN POLITIQUE ? POURQUOI ?
Ma mère. Pour son parcours militant, son talent littéraire et son amour de l’humanité.

POUVEZ-VOUS DIRE DU MAL DE PIERRE MENDÈS FRANCE ?
Oui, mais j’avoue que, hormis des différences de doctrine économique, je suis bien en peine d’en dire du mal spontanément.

POUVEZ-VOUS DIRE DU MAL DE CHARLES DE GAULLE ?
Oui, malgré ma fascination pour le personnage. Charles de Gaulle nous a fait rater le train de la fraternité avec l’Afrique. Nous payons encore aujourd’hui toutes les fautes politiques qui découlent de sa vision de la relation – paternaliste et opaque – avec les anciennes colonies. Dans cette affaire, ce sont les Africains qui ont sauvé le principal, Léopold Sedar Senghor en tête.

QUI, JUSQU’ICI, A ÉTÉ LE MEILLEUR PREMIER MINISTRE DE LA VE RÉPUBLIQUE ?
Lionel Jospin.

QUEL ADVERSAIRE DE VOTRE GÉNÉRATION ADMIREZ-VOUS ?
Je ne fais pas dans l’admiration.

QU’EST-CE QUI VOUS DÉSESPÈRE DANS VOTRE FAMILLE POLITIQUE ?
Deux choses :1) La peur de perdre avant même de mener les batailles, et le renoncement qui en découle parfois. Les puissances de l’argent autant que la force extraordinaire des préjugés qui régissent encore les rapports de domination justifie précisément de commencer tôt, et de tenir la construction du rapport de force. Le renoncement, c’est la défaite. 2) Le gauchisme qui rime souvent avec sectarisme, division et impuissance. Comme le disait Engels, le gauchiste est celui qui érige son impatience en théorie politique. Le « tout, tout de suite » mais aussi les procès permanents en trahison à la « pureté de la gauche », n’amènent qu’à collectionner les défaites.

POURQUOI LES POLITIQUES SE CROIENT-ILS SPIRITUELS QUAND ILS CITENT RENÉ CHAR ?
Cette question est inutilement malveillante.

QU’EST-CE QUE LE POUVOIR A CHANGÉ EN VOUS ?
Les parlementaires ont-ils vraiment le pouvoir ?

COMPLÉTEZ CETTE PHRASE : « LE CUMUL DES MANDATS, C’EST… »
un anachronisme au mieux. Une confiscation du pouvoir au pire.

ACCEPTERIEZ-VOUS QUE L’UTILISATION DE VOTRE INDEMNITÉ SOIT CONTRÔLÉE ?
Oui, j’accepterai tous les dispositifs de contrôle et de transparence qui seront mis en œuvre. C’est même nécessaire.

Interview sur le site de Rue89