Niche des Écologistes : la demande d’asile, au cœur des bouleversements de notre monde.

Au moment de la COP29, en novembre 2024, deux chiffres auraient dû nous alerter. Au cours de la décennie écoulée, 220 millions de personnes ont dû fuir leur pays à cause des catastrophes liées au dérèglement climatique. En juin 2024, le Haut-Commissariat aux réfugiés faisait également état de 120 millions de personnes déplacées de force dans le monde, pour cause de guerre, de persécution ou de violences. Le Pakistan, les Philippines, la Chine, l’Inde et le Nigeria sont les plus touchés par les phénomènes climatiques. L’Ukraine, le Proche-Orient, le Yémen, le Soudan, Myanmar, la Palestine, la République démocratique du Congo, font partie des conflits toujours en cours cette année, qui occasionnent également de vastes déplacements de population. 

Au lieu de faire peur et de considérer tous ces malheureux comme des gens en trop, soyez lucide : le droit d’asile est et sera plus que jamais au cœur des enjeux internationaux de ces prochaines années. L’heure doit donc être au renforcement de notre système d’accueil plutôt qu’à sa destruction, tant l’ampleur des déplacements de population est préoccupante. Elle doit appeler une réponse en termes de moyens et d’infrastructures, et pas en termes de répression et de repli sécuritaire. Je voudrai l’illustrer d’un exemple parmi tant d’autres.

En 2009, à la suite du génocide des Tamouls au Sri Lanka, de nombreuses personnes ont fui le pays pour trouver asile en Europe notamment. Aujourd’hui, en France, se sont 300 000 tamouls qui y vivent, 120 000 en hexagone, dont les familles sont encore au Sri Lanka, sujettes à des persécutions, des massacres et des discriminations. 

Le premier pas vers ce renforcement tient dans l’accès au travail pour les demandeurs d’asile. Alors que jusqu’en 1991, la demande d’asile s’assortissait d’une autorisation de travail, les délais sont désormais de 6 mois au minimum pour obtenir une telle autorisation. 

Une fois ce délai dépassé, le réfugié tamoul peut faire une demande d’autorisation de travail, bien souvent refusée puisqu’elle doit être assortie d’une promesse d’embauche ou d’un contrat de travail. 

Dans le cas où l’OFPRA décide au septième mois que le demandeur d’asile tamoul n’obtient pas sa demande d’asile, alors il n’aura eu qu’un mois pour faire sa demande d’autorisation de travail, même s’il a fait une demande de recours. Et pendant ces six mois, comment peut-il vivre ? 360 euros par mois lui sont versés, notamment pour payer son logement d’urgence. Comment peut-on imaginer qu’une telle démarche soit engagée sereinement dans des conditions aussi déplorables ? Comment peut-on se satisfaire qu’un homme qui aura fui les pires exactions soit maintenu dans un tel état de précarité ? 

Cette politique qui vise soi-disant à réguler l’immigration est en fait une trappe à illégalité. Elle est une trappe à travail dissimulé. Sans rente, sans revenu, sans repères pour l’aider, cet homme qui vit pendant six mois dans une pauvreté indicible va nécessairement se tourner vers un travail illégal pour espérer vivre à peine dignement. Alors que le travail a toujours été le premier jalon vers l’intégration, le lien social, la création et la pérennité d’une vie en France, nous lui refusons. Mais cette politique sécuritaire ne garantit en aucun cas la sécurité, ceux qui ne veulent pas laisser cet homme travailler légalement en France organisent la clandestinité, la mal-intégration, l’errance. Est-ce cela que nous voulons pour les réfugiés ? Quelle est la logique derrière ce refus ? À ces hommes et ces femmes, qui fuient des catastrophes climatiques, des guerres, et des famines, qui sont médecins, professeurs, commerçants, cuisiniers en leur pays : nous leur refusons le droit d’avoir des droits, même le plus essentiel. 

Et par la même, nous nous refusons aussi leurs compétences et leur volonté. Dans nos territoires, dans nos entreprises nous avons toujours besoin du talent de ces femmes et ces hommes, qui ont une expérience et un travail avant de venir, et nous préférons pourtant les maintenir dans un état d’instabilité odieux. 

En 2022, seulement 1% des demandeurs d’asile ont obtenu une autorisation de travailler. Que font les 99% restants ? Au groupe Écologiste et Social, ce que nous commande notre humanité, la raison, le bon sens, est de leur permettre de travailler. Et vous ? À ce réfugié tamoul dont la vie a été marquée par les sacrifices, que lui répondez-vous quand il vous dit qu’il veut travailler en France dès son arrivée ?