Le Système est devenu définitivement allergique à toute idée de régulation, de compromis, de partage. La cupidité des bénéficiaires des nouveaux privilèges et des rentes boursières a atteint un degré d’anti-humanisme qu’il n’est plus possible de raisonner. De ce fait, l’Etat providence a été mis hors jeu et son soubassement social-démocrate avec. Après quelques sentences cyniques sur la mort du capitalisme, prononcées le plus souvent par ses serviteurs soudains zélés pour le moraliser, chacun s’est finalement contenté de la mise au coffre du banquier Madof: le coupable étant trouvé, la Machine, cette folie qui gangrène la planète entière, peut repartir de plus belle. A la recherche permanente de gains déments et immédiats, les profiteurs voraces ne se préoccupent même pas de savoir qu’ils ont engendré le pire: à ce rythme, nos jours sur cette Terre sont peut-être comptés.
C’est à nouveau vers le Monde qu’il faut se tourner: c’est le destin et le dessein de la gauche de porter la construction d’un projet pour l’Humanité.
Au fond, pourquoi militons-nous à gauche? Si le modèle capitaliste est explicitement le contrepoint de notre projet d’émancipation, l’anticapitalisme ne signifie rien de plus que ce qu’il proclame. Autrement dit, il reste un slogan pauvre. L’anticapitalisme, comme rejet de l’exploitation économique de la masse des hommes et des ressources naturelles par une poignée de propriétaires est essentiel mais ne suffit pas à dessiner un projet politique d’émancipation des hommes et particulièrement des femmes, premières victimes des désordres du monde et des rapports de domination. C’est précisément la question de la perspective, de l’autre monde – de ses contours, de ses buts, de ses moyens (y compris pour déposséder les possédants, moyen que ne pensent plus les socialistes) – qui doit être au cœur de notre propos.
Que combat on?
Santé, éducation, communication, justice, alimentation, logement etc. ce que déconstruit méthodiquement le libéralisme mondialisé ne porte en germe rien d’autre que la déshumanisation des rapports sociaux et peut-être même le chaos social et politique pour de longues années. Aujourd’hui, la soumission de nos industries aux logiques d’argent déshabille l’Europe et augure d’une incapacité prochaine à assumer concrètement l’indépendance et l’unité du continent européen, déjà mise à mal par la concurrence institutionnalisée entre les peuples. En pleine crise, les sommes versées dans les banques ou les entreprises de construction automobile, comme on verse l’eau dans le tonneau des Danaïdes, sont sans contrepartie : chaque euro donné est ainsi un euro donné gratuitement par le contribuable, obligé de s’en remettre à l’honnêteté économique des bénéficiaires et, peut-être, à des temps meilleurs… Le pouvoir politique lui-même devient l’un des meilleurs agents des intérêts de quelques-uns. Pendant ce temps, la cohorte des sans emploi qui vient allonge la liste de ceux qui n’auront bientôt plus rien à perdre…
Le pouvoir en place inquiète aussi de plus en plus démocrates et républicains: fichiers généralisés, procédures de justice expéditive, pratiques policières agressives (arrestations spectaculaires, rafles, contrôles arbitraires), chasse aux immigrés pauvres, pénalisation de l’enfance délinquante, discours sur les prédispositions génétiques… C’est tout l’espace européen qui est percuté par ces dérives. Les mises au pas des contrepouvoirs institutionnels et médiatiques en disent long sur les dérives liberticides en cours, comme s’il s’agissait d’empêcher toute réaction organisée et durable des classes sociales qu’on appauvrit par ailleurs… Pendant ce temps, les dérives racistes en Italie et en Grèce inquiètent. La persistance de l’extrême-droite en Autriche à un haut niveau fait peur. Bien d’autres signaux nous alertent et la liste des ombres inquiétantes est longue. C’est dans ce climat d’insécurités, souvent construites volontairement, que le parti de l’ordre fonde sa légitimité.
La droite libérale et autoritaire fonde ainsi sa politique sur cette double agression: le pouvoir aux riches d’abord ; le pouvoir au Pouvoir ensuite.
D’abord, donner du Sens:
Jamais la civilisation humaine n’a atteint un tel degré de connaissances, de savoirs, de technologies, de techniques, de sciences, de médecine susceptibles de faire le bien commun ; la droite reste ontologiquement incapable de répondre à cet enjeu de civilisation alors que la gauche doit précisément incarner la dignité de l’Humanité.
Nourri de toutes ses écoles (et l’écologie politique en est désormais une à part entière) le but du socialisme est triple: l’indépendance du Monde, l’émancipation du genre humain et l’épanouissement de l’individu, chaque horizon étant consubstantiel de l’autre. Ce qui signifie aujourd’hui de remettre en cause le modèle productiviste, de réduire les écarts de revenus en augmentant réellement la rémunération des travailleurs dans le monde, de refonder la notion de propriété en économie, de dépasser les historicités guerrières pour tendre vers l’unification du monde…bref d’aller à l’idéal. En précisant à cette étape qu’un tel dessein n’aura de portée réelle que s’il établit in fine, en fait et en droit, l’égalité des femmes et des hommes, et lutte contre les rapports de dominations sociaux, collectifs et individuels.
Parce que nous nous situons dans une perspective universelle, nous revendiquons un parlement démocratique – et donc aussi un gouvernement – mondial. On ne peut vouloir l’unification du Monde et rester paralysé à l’idée que les résolutions des Nations unies sont, pour les plus essentielles, des lettres mortes. On ne peut souhaiter l’indépendance du Monde et accepter sa prise en otage par des intérêts privés. On doit pouvoir hisser haut l’idée d’une monnaie commune (les Chinois ont soulevé ce thème récemment en suggérant l’hypothèse d’une monnaie de réserve mondiale), et pourquoi pas unique à terme? On doit reposer la question de l’appropriation des biens ou des industries essentiels à notre vie et à notre civilisation que sont l’air, l’eau, l’espace et ses planètes, le pétrole, le gaz, les transports, les télécommunications, les banques etc. en inventant par exemple des consortiums publics, locaux ou mondiaux.
Défaire le mensonge de Tina (« There is No alternative »):
Les pouvoirs actuels nous expliquent tranquillement que nous allons devoir nous résigner à vivre moins bien qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, quand la moitié du monde n’était qu’un champ de ruines sur lequel nous avons pourtant su construire dans de nombreux pays le plus beau système de solidarité entre les hommes: la sécurité sociale. Ce simple exposé («vivre moins bien dans un monde plus instruit et plus riche») est à la source du bug mental qui est train de s’opérer dans les esprits : les explications qu’on nous fournit pour justifier le recul de notre condition d’animal civilisé ne sont tout simplement pas possibles à l’aube du XXIème siècle. A l’évidence, le pouvoir et les puissants mentent: tout ou presque existe aujourd’hui pour construire le bien commun de chaque être humain sur la Terre. L’instruction, l’accès à l’eau, l’accès aux soins et aux médicaments, l’accès à un logement desquels sont aujourd’hui exclus des milliards de citoyens sont des rêves accessibles en quelques années. L’argent existe, pour s’en convaincre il faut s’arrêter un instant sur quelques chiffres. Ceux de la France suffisent à la démonstration: le salaire moyen des 50 premiers patrons en 2007 s’établit à 383 000 euros soit 310 fois le Smic et il a augmenté de 58 %; 10 % de la population possède 50 % du patrimoine ; les entreprises du CAC 40 ont réalisé 100 milliards de bénéfices en 2008; les employeurs bénéficient de 60 milliards d’allègements fiscaux; les fameuses niches fiscales s’élèvent à 72 milliards; 320 milliards de caution aux banques; 15 milliards de bouclier fiscal; notons enfin que les 500 «premières» familles ont gagné 80 milliards de plus en 2007 qu’en 2006. Sans doute les caisses de l’Etat se vident tandis que les poches de quelques nantis se remplissent, mais qui a opéré le transfert de nos richesses vers ces gras fainéants? Heureusement pour eux, on ne met plus les têtes au bout d’une pique, mais si nous étions encore au temps de la Grande Révolution française ils subiraient un mauvais sort…
La fin du productivisme ou la reconnaissance de l’utilité commune en économie.
La catastrophe écologique et la crise économique viennent mettre en question la survie même de la Terre et de ses espèces vivantes. Les conséquences sociales se précisent, s’aggravent; les solutions politiques se cherchent… mais pour quel modèle de développement ? Nos sociétés sont inondées d’objets inutiles, leur production et leur circulation même deviennent destructrices et polluantes. Quant aux processus de fabrication, malgré des normes sanitaires et chimiques de plus en plus exigeantes en Europe, ils tuent à la tâche: dans les pays occidentaux, on meurt plus des AVC que des coups de grisou désormais. Dans les autres pays, comme en Chine, on met les hommes en situation d’exploitation proches parfois de l’esclavage pour répondre aux «demandes» du Système. Tous les pays du monde sont au diapason de ce productivisme qui est en vérité devenu un obstacle au développement: ces fondements de civilisation humaine que sont les métiers et les artisanats, du commerce à l’agriculture, sont obligés de se soumettre (monocultures criminelles, standardisation des valeurs éphémères et superficielles, négation de la culture…), condamnées à se renier jusqu’à disparaître.
C’est ce qui fonde notre économie depuis plus de deux siècles : produire toujours plus en privilégiant une logique de l’offre au moindre coût possible pour le propriétaire: et l’exploitation capitaliste fut. L’addiction à la croissance productiviste a montré ses limites: aggravation de la grande inégalité Nord-Sud, crise climatique, épuisement des ressources naturelles, crise alimentaire, sociale. L’accumulation des biens matériels n’a finalement produit ni bonheur collectif ni épanouissement individuel. Il est temps de mettre en avant autre chose qu’une seule croissance, qu’une relance de la consommation ou qu’un simple hausse du pouvoir d’achat qui ne font que renvoyer l’homme à sa condition de consommateur, d’acheteur potentiel plus ou moins comblé par le montant de son salaire, quand il en a un.
Il faudra dépasser cette contradiction: d’un côté, la planète autant que nos techniques et nos connaissances pour maîtriser rationnellement la nature suffisent largement à couvrir les besoins de tous; d’un autre côté nos cultures économiques produisent et consomment plus que la planète ne peut le supporter. Le mouvement socialiste ne sera régénéré qu’à l’aune de cette critique du productivisme et du consumérisme et à la condition de poser les bases d’un autre modèle de développement.
Remplacer le productivisme par l’utilité commune, répondre à l’exigence d’une économie raisonnée: c’est cet axe politique qui fondera le socialisme moderne. Sur quoi se fonde l’utilité commune? Sur les besoin de chacun d’une part (arrêt de la surproduction et de la surconsommation, développement des économies locales autosuffisantes, etc); sur l’intérêt général d’autre part (normes sociales et environnementales hautes).
Contre le vol de propriété : coopérative conte SA
La plus grande escroquerie du capitalisme a consisté – postulat originel- à mettre sur le même plan toutes les notions de propriété, au nom du Droit imprescriptible à la propriété privée: la propriété de l’individu (sa maison, sa voiture, sa montre, …) avec la propriété des entreprises (c’est-à-dire les outils, la force de travail humaine et les capitaux qui leur seraient nécessaires). Ce droit de propriété s’est même étendu très tôt aux biens de premières nécessités et aux ressources naturelles (l’eau, le gaz, le pétrole, le métal, etc). L’inégalité a ainsi trouvé un fondement juridique supérieur à tous les autres puisqu’il s’agit d’un Droit de l’Homme: le Droit de propriété. Le consensus de Washington a achevé, dès la chute du communisme en 1989, de sécuriser les droits de propriété privée parmi les principaux préceptes de l’économie libérale imposée aux Etats par la Banque Mondiale et le FMI. C’est ainsi que nul ou presque n’a résisté aux vagues de privatisations, c’est-à-dire de transferts de ressources collectives au bénéfice de quelques uns.
La question posée à la gauche est ainsi formulée: y’a-t-il un quelconque archaïsme à exiger qu’avant même de parler du partage soit posée la question de la nature même de la propriété économique dans nos civilisations? Que l’individu jouisse de son droit à la propriété individuelle n’est certes pas contestable. Mais que peut-il posséder pour son lui? Ou plutôt, que ne peut-il pas posséder? Arrêtons-nous par exemple sur le sujet de l’eau. Quelle morale autorise un groupe d’homme à posséder 60 % des bénéfices de l’exploitation de la vente de l’eau? Quelle autre morale justifie qu’à ce vol s’ajoute l’insulte faite à près de 3 milliards de personnes qui n’ont guère accès à une eau saine? Avançons d’un pas: pourquoi une entreprise d’intérêt général (dans le domaine des postes, de l’énergie, de la santé par exemple) appartiendrait à une poignée d’actionnaires en lieu et place de l’Etat (c’est-à-dire des citoyens) si ce n’est pour satisfaire les intérêts illégitimes d’une poignée d’ennemis de l’humanité? Bref: n’est-il pas temps d’assumer à nouveau sans complexe la propriété publique dans l’économie: locale (régies par exemples), nationale (Etat) ou supranationale (consortiums publics financés par les Etats)? Allons encore plus loin: pourquoi les entreprises privées n’auraient pas comme principe économique le partage à parts égales de la valeur de l’outil de production? Après tout, une entreprise devrait d’abord refléter l’esprit de coopération entre les hommes (idéal socialiste) et non la subordination du plus grand nombre à quelques uns (modèle capitaliste).
Autrement dit, pourquoi renvoyer sans cesse à la marge d’un improbable «Tiers-secteur» ce qui devrait être une norme économique centrale? Bien entendu se poserait alors la question de la spoliation, sans doute réelle, de petits patrons ni riches ni cupides qui ont fait dépendre leur propre vie des investissements nécessaires à la création de leur entreprise. Il faudrait sans doute pour ceux-là – dont l’intention manifeste n’est pas de voler – une période (sans doute une génération) ou une juste compensation pour leur faire accepter l’idée que l’entreprise devient la propriété partagée de tous ses utilisateurs. Sans doute aussi certains modèles d’entreprises «privées» seront hors champ coopératif, mais cette fois à titre exceptionnel. Bref, la gauche devra défendre à nouveau la propriété publique et la propriété sociale comme normes économiques. La remise en cause de la propriété privée comme pilier central de l’économie de marché ne signifie nullement la fin du marché, mais sa transformation profonde, ontologique, autour de l’homme. Car il y a toujours eu, depuis le troc jusqu’à nos jours, à travers tous les régimes, un marché, c’est-à-dire un système d’échanges de biens basé sur la valeur de ces derniers. Ce n’est donc pas le marché qui est en cause mais la nature du marché.
Relocaliser l’économie, protéger les économies locales
Les besoins d’expansion des grandes sociétés caitalistes ont été rendus définitivement possibles avec la Chute du Mur de Berlin; encore a-t-il fallu faire sauter tous les obstacles à un tel dessein: les Etats, ou plus exactement leurs frontières (économiques). C’est ainsi que le libre-échange s’est imposé comme une des principales vertus du monde moderne…avec les conséquences catastrophiques que l’on sait. Une fois la barrière douanière défaite, le mécanisme est d’une extrême simplicité: les grandes firmes produisent leurs marchandises là où la main-d’oeuvre est la moins chère et l’écoulent là où le niveau de vie permet des marges extraordinaires.
Dans le domaine agricole, la surexploitation des terres arables va être aggravée par les exigences nouvelles bientôt imposées en matière d’agro-carburants avec des conséquences de pollutions des sols qui risquent d’être catastrophiques…et nuire in fine à la posibilité même de développer des agricultures saines. Là encore, les Etats les plus faibles vont être inondés des produits agricoles pour la satisfaction non des besoins essentiels des hommes mais des appétits des grandes compagnies.
Mettre un terme à ce système implique d’agir principalement dans deux directions:
− relocaliser les productions, qu’elles soient manufacturières, de services ou agricoles afin de tendre, autant que faire se peut, vers l’autosuffisance, les échanges commerciaux devant se limiter à ce qui n’est guère «productible» in situ (autrement dit, inutile de manger des fraises en hiver).
− Taxer très fortement les importations de produits concurrentiels, c’est-à-dire instaurer un protectionnisme économique intelligent, respecteux des normes sociales et de l’environnement.
Choisir l’immigration plutôt que l’immigration choisie.
200 millions de personnes migrantes à travers le Monde aujourd’hui; sans doute près d’1 milliard d’ici 2050, soit demain. 1/10ème de la population mondiale sera déplacée, contrainte de trouver ailleurs le minimum qui ne sera plus accessible sur leur terre d’origine: le pain, le travail, la terre ou même la paix. L’Europe pourra toujours construire ses forteresses, rien n’empêchera des millions de gens de tenter une intrusion légitime vers le pays d’une seconde chance. Il faudra accueillir. La légalisation de l’accueil est d’ailleurs le seul moyen efficace de lutter contre le travail au noir, c’est-à-dire contre le nivellement des salaires par le bas du fait de la pression exercée malgré eux par les sans papiers sur les autres travailleurs. Cette stratégie patronale ne cessera qu’à la condition de rendre impossible ce chantage salarial.
Mais ne nous leurrons pas avec de fausses peurs: c’est d’abord dans les pays pauvres que les dérèglements démographiques seront les plus explosifs, pour la simple raison que la très grande majorité des migrants vont d’abord s’installer … le plus près possible de leur pays d’origine; ce qui est déjà le cas aujourd’hui. Le flux migratoire Sud-Sud, déjà plus important que le flux Sud-Nord, ne va cesser de croître et aggraver ainsi la situation explosive des pays les plus pauvres. Or, laisser la gestion des flux migratoires dans les seules mains des relations bilatérales ne peut déboucher sur rien d’autres que la perpétuation d’une politique qui se révèle désatreuse: hermétisme officiel des frontières d’un côté, pillage des cerveaux de l’autre. C’est pourquoi il faut donner à une agence mondiale de l’immigration les pouvoirs de gérer les demandes de migration, et de mettre en relation ces dernières avec les capacités d’accueil de chaque pays viable.
Pour la démocratie
L’idée démocratique – en fait la démocratie libérale – recule en même temps qu’elle fait la démonstration de son impuissance relative. En réalité, la délibération collective n’est pas, même quand le peuple la délègue à ses représentants. Ces derniers décident de moins en moins, sauf le plus souvent pour défaire l’intérêt général; et pour cause : ils ont eux-mêmes organisé leur propre affaiblissement politique en transférant au privé ce qui relève de l’autorité du vote. Combien de hautes autorités, de comités Théodule qui servent de prétexte pour engager les mesures les plus scélérates? Pire, même quand le peuple s’exprime directement, les dominants – battus par les français, les néerlandais et les irlandais sur les référendums européens – ne trouvent rien de mieux que de décréter la souveraine décision nulle et non avenue; et de repasser par le parlement acquis à leurs thèses ou d’exiger du peuple qu’il revote jusqu’à satisfaction de la Cour. On ne se représente sans doute pas encore les conséquences catastrophiques d’un tel déni de démocratie car même l’idée de changement par le vote paraîtra finalement inutile, en écho au sentiment d’abandon, de non-respect des promesses, voire de trahison que ressentent objectivement les électeurs.
Il faut d’urgence penser la démocratie nouvelle, celle où rien ne se fait contre l’Homme et où tout se fait par lui, celle où le contrôle par le peuple et/ou ses représentants est effectif, où la sanction est réelle. Inutile de redire longuement ce que la pensée démocratique a déjà exposé à notre jugement depuis les Lumières: élections proportionnelles, une assemblée délibérante et seule législatrice au nom du peuple, un exécutif chargé de l’application des lois et de la représentation de la Nation, une Justice rendue par des magistrats fonctionnaires, etc.
A l’échelle du Monde, le déni de légitimité de l’expression collective est évidemment rendue possible par la marginalistion croissante de l’ONU au profit d’instances ad hoc (mais faites pour durer) comme le G 20 ou d’organisations qui ne sont nullement préoccupées par le développement humain (c’est plutôt l’obsession de la croissance capitaliste qui hante le FMI) ni par la coopération entre les Hommes (OMC): ces lieux ne sont rien d’autres que les lieux où les riches et les puissants prennent les décisions qui leur conviennent ou les dérangent le moins.
En matière de renouveau démocratique, le mouvement socialiste devra particulièrement insister sur trois questions, nouvellement posées à l’aune de la mondialisation libérale:
− l’invention d’une démocratie mondiale, c’est-à-dire refonder l’ONU, poser la perspective d’un gouvernement du Monde et faire suite à l’une des principales revendications progressistes modernes: la transparence de la diplomatie et des prises de décisions, fondées elles-mêmes sur des principes de coopération et de progrès et non de domination et de contrôle des ressources mondiales par quelques nantis.
− la lutte contre le pouvoir des entreprises privées de médias et de communication, dont la médiocrité est mise au service d’une dangereuse dépolitisation, principale garantie de longévité des puissants de ce monde
− l’association la plus étroite des citoyens aux décisions qui les concernent, via leurs organisations collectives, leur participation directe ou par leur vote.
Une gauche décomplexée, c’est quoi?
On sait que les possédants ne se laisseront pas déposséder avec le sourire. La gangrène mafieuse, légale ou non, est prête à tout pour empêcher sa marginalisation des circuits d’enrichissements qui font leur pouvoir et leur domination. C’est une des raisons majeures pour lesquelles le changement passe pour fondamentalement impossible dans l’opinion commune: fuite des capitaux, troubles sociaux, puissants inaccessibles et surprotégés par des hommes-fusibles et des moyens de protection démesurés, connivences des classes dirigeantes, etc. tout est dit pour faire du rêve républicain une chimère. Un des désastre intellectuel qui mine la pensée contemporaine est la culture du discours complexe: chaque proposition est immédiatement annulée par la suivante. Prenons un exemple : «il faut garantir aux français le droit à la retraite à 60 ans; mais il faut prendre en compte la pénibilité du travail». Soit il s’agit de rétablir les droits à la retraite dès 55 ans que la droite a supprimés pour certaines professions (instaurées justement au nom de leur … pénibilité) ; soit il s’agit de faire dès la deuxième phrase une entorse au principe préalablement posé. Comme les français ne sont pas les abrutis qu’on veut bien nous vendre, ils ont parfaitement compris vers où penchait la balance, a fortiori quand ils ont entendu l’incroyable propagande des «experts» du Régime. Ce genre d’énoncés complexes, que des socialistes ont parfois adoptés comme clé de raisonnement dans bien d’autres domaines, est le signe que la pente du renoncement a été bien engagée. La première des tâches consistera donc à affirmer nos idées avec clarté, c’est-à-dire à assumer ce qu’elles impliquent comme affrontement politique, comme rupture systémique, comme effort de pédagogie. N’oublions jamais que gagner une bataille politique passe par aussi par le souci de «gagner les esprits». La droite a, mieux que la gauche, formidablement su utiliser les préceptes de Gramsci en matière de bataille culturelle.
Il nous faut non seulement convaincre de la justesse des idées sociales mais aussi faire la démonstration qu’elles sont réalistes. Autrement dit, comment allons-nous nous y prendre? Avec quelles lois, assorties de quelles sanctions, et quelles garanties de pérennité. Si nous restons sur l’exemple de la retraite, il est évident que nous avons largement les moyens de garantir à tous nos concitoyens de plus de 60 ans une retraite digne. Il faudra pour cela transférer une partie des ressources des plus riches vers les droits sociaux (comme d’ailleurs vers les services collectifs). Ce qu’il faut dans cette affaire, c’est montrer notre détermination à oeuvrer pour le droit au bonheur des êtres humains, sans jamais transiger sur l’objectif, sans jamais renoncer à la coercition par la Loi en cas de confiscation par une poignée d’individus de la possibilité même que le plus grand nombre ait accès concrètement à ce droit.
Cette même détermination devra être affichée dans trois autres questions en particulier:
− l’échelle des revenus: au nom de la morale la plus élémentaire, les êtres humains ne sauraient se distinguer entre eux par la fortune. Le rétrécissement de l’échelle des salaires (de 1 à 7 par exemple entre le plus petit et le plus élevé des salaires d’une entreprises) et même le plafonnement des salaires afin d’empêcher que ne perdurent l’indécence de certaines rémunérations, que l’on courre après un ballon ou que l’on exploite ses semblables,
− la préservation de la planète: elle ne pourra être garantie que si des normes contraignantes sont légalement adoptées (les sciences modernes nous indiquent aujourd’hui quelles sont les normes saines) qui doivent présider aux processus de fabrication, de transport et de consommation et qu’à la condition de pénaliser les délits écologiques, sur la base d’une justice universellement compétente,
− le comportement politique: l’exemplarité est une vertu mais en économie comme en politique, l’autorégulation des comportements est une chimère. La loi devra enfin et définitivement contraindre à l’interdiction du cumul de certains mandats entre eux, ainsi qu’avec l’exercice d’une profession rémunérée.
Doter la gauche d’une nouvelle structure internationale.
Certes un gouvernement de gauche en France aurait des marges pour agir et construire des alliances progressistes internationales. Mais, alors que l’humanité a conscience d’elle-même, le socialisme dans un seul pays est tout bonnement une impasse. Déjà, les rencontres anuelles du Forum social Mondial avaient fait la démonstration, en particulier les premières années, de la possibilité objective de faire converger des forces progressistes, quelles qu’en soient la nature (associations, syndicats, etc.). Il faut approfondir cette voie qui rassemble des militants de tous horizons, elle est la seule porteuse de saine récolte.
Pensons un instant que l’actuelle Internationale socialiste compte en son sein des partis tels que le RCD de M. Ben Ali, dictateur notoire, le parti de M. Alan Garcia (le président du Pérou) qui s’est illustré par une répression sanglante des indiens d’Amazonie expropriés de leurs terres; notons aussi que les plus hautes autorités du SPÖ (le parti social-démocrate autrichien), MM.Fischer et Gusenbauer, respectivement président de la République et chancelier, avaient insisté pour assister aux funérailles de Jörg Haider le 18 octobre 2008; gardons enfin en tête qu’en Allemagne, et dans plusieurs pays européens, les partis membres de l’internationale socialiste gouvernent avec …. les droites libérale, conservatrice, etc. C’est bien à l’échelle mondiale qu’il faut fonder une nouvelle alliance internationale des progressistes, si nous ne voulons pas être ensevelis par nos propres vestiges. Sans tarder, il faut s’atteler à la construction de cette tâche politique majeure sur les 5 continents. Et débattre de ces nécessités nouvelles pour l’Homme, notre planète et ses espèces.